mardi 24 avril 2012

Le Pavillon des cancéreux (Bien vu, Figaro, 25 avril 2012)


Avec sa mine de croque-mort grivois et ses regards de paillard encravaté, Thierry Beccaro nous annonce dans Télématin une information essentielle : ce printemps, 80,5 % des Français manquent de soleil. Le temps saumâtre qui arrose la France depuis des semaines serait un danger pour la population hexagonale. Perte de la résistance osseuse, dépression, recrudescence des cancers de sein, de la peau : tout y passe ! Il aura fallu attendre docteur Télématin pour comprendre que notre pays est vraiment malade. Les principales victimes de ce mauvais temps ? Les électeurs du Front National. Pas un journal télévisé, pas un édito de radio, qui ne prenne ces  6 millions de votant avec une précision toute médicale. On parle de  « mal français », de « peuple qui souffre ». Ce ne sont pas des votants, ce sont des grands malades. A croire que Marine ne se manipule qu’en charlotte et chambre stérile. Peur de la contagion ? Difficile à dire. Jamais ils ne sont présentés comme des gens sains de corps et d’esprits ayant pris leur bulletin à bras le corps. Non non : ils sont forcément infectés d’un bacille, quelque chose de tourne pas rond, leur équilibre biologique est en péril. Comme le nom de Dieu dans certaines religions, ces créatures étranges incarnent une entité qu’on n’ose nommer, de peur de déchaîner quelque colère. Alors on joue les ellipses, les périphrases. On contourne, on louvoie. Mais les deux candidats ont trop besoin de ces grands malades s’ils ne veulent pas être eux-mêmes condamnés. Aussi dansent-ils du ventre devant l’hôpital, pour séduire les lépreux Comme dirait Beccaro : « c’est pas tout à fait, mais c’est pas tout à fait non plus ». La politique est une science exacte…

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