lundi 30 janvier 2012

Trierweiler deshabille JoeyStarr (Bien vu, Figaro, 30 janvier 2012)

Dans notre monde d’images à outrance, difficile de démêler le vrai du faux. Ce décryptage, Valérie Trierweiler tente de l’obtenir avec sa nouvelle émission, Itinéraires. En quarante minutes, une personnalité voit défiler sa vie sur un écran (archives, témoignages…) et réagit à chaud. L’animatrice n’est pas sur le plateau mais reste une « Big Sister » en noir et blanc et plan américain. Un sphinx omniscient qui parle peu et oriente l’invité. En soi, rien de nouveau, mais c’est bien fait. Ras le bol des talk-shows pyrotechniques où les invités sont les faire-valoir de l’animateur. Ici, on est dans la tradition du double C : Chancel-Chapier. Et ça fonctionne. Premier invité : JoeyStarr. Un « bon client », comme on dit. Excellent, même, car nul n’est plus esclave de son image que ce rappeur de 45 ans. On connaissait le chanteur rugissant à la denture cannibale ; l’impulsif aux quatorze condamnations ; le provocateur patenté. On a récemment découvert l’acteur instinctif, aussi à l’aise chez Maïwenn que Beigbeder. On voit ici une boule de sensibilité sous contrôle, un écorché conscient de sa séduction, un bateleur brillant et matois qui garde ses lunettes noires mais se dévoile avec une verve rigolarde. « Le beau est la splendeur du vrai quand le monde est à l’endroit, alors j’ai mis ma tête à l’envers pour marcher droit », dit-il de façon énigmatique. Puis il déplore que le Rap reste une posture, avoue qu’il aurait pu être flic, cite Sagan… Au terme de l’interview, JoeyStarr s’est-il mis à nu ? Un peu, sûrement. Pas assez, sans doute. Mais comme dit le chanteur avec sa gouaille rocailleuse : « les couilles, c’est très personnel ».

dimanche 22 janvier 2012

Rions vieux, rions jeunes! (Bien vu, Figaro, 23 janvier 2011)

Ô cruelle vieillesse ! Voilà ce que pense le téléspectateur qui regarde Canal +, le dimanche, à l’heure du pousse-café. Contempler successivement la « semaine des Guignols » et celle du « Petit Journal » c’est avoir les pieds dans deux époques. D’un côté, un humour poussif, essoufflé, où survit trop rarement ce qui a fait sa grandeur pendant plus de vingt ans ; de l’autre une formule incisive, brillante, tête-à-claque, d’une saine virtuosité et d’une mauvaise foi émoustillante. Car si les émissions dressent toutes deux le bilan satirique de l’actualité de la semaine écoulée, la première semble un vieux cabot en bout de course quand la seconde tire à boulets rouges. Au vrai, les Guignols occupent aujourd’hui la place où ils avaient acculé le défunt Bébête show : l’humour papy ; le rire qui sent le sapin. Le pet mouillé. Nous en sommes presque au choc des générations. Les mœurs ont évolué. Un jour, Raynaud et Lamoureux firent place à Coluche et Desproges. Ce n’est pas la loi de la jungle mais celle de l’espèce. Et lorsque commence le « Petit Journal » avec la bonne fasse boboïsante de Yann Barthès, on respire. Fini la sarkophagie sans imagination. Avec Barthès, le mauvais esprit tape dans tous les coins : de l’Elysée à Hollande, de Le Pen à Mélenchon. Ce dernier est leur bête noire, qui leur a interdit l’accès à un de ses meetings. Le Petit Journal pratiquant le détournement, Mélenchon les accuse de désinformation. A-t-il tort ? Raison ? Les deux, sans doute. Mais du Crapouillot au Canard, c’est un sport sain et français. Et n’est-ce pas prendre le spectateur pour un gnou que de le croire incapable de séparer le lard du cochon ?

La semaine des Guignols ; La semaine du Petit Journal. Canal + dimanche 13 h 55 et 14 h 30.

dimanche 15 janvier 2012

Sexe (très) faible (Bien vu, Figaro, 16 janvier 2011)

Le X sera-t-il enfin un art à part entière ? Du moins un genre noble ? Créé voici juste vingt ans, le « Journal du hard » de Canal + a contribué à institutionnaliser, voire respectabiliser cette discipline. Belle intention, fier objectif, mais deux décennies plus tard, qu’en est-il ? Franchement, ce magazine n’a guère changé, flirtant avec les mêmes clichés, tissant les mêmes métaphores potachocoquines, brandissant désormais des idéaux qui font doucement sourire. Le numéro de samedi dernier était consacré au porno féminin : celui des actrices, des réalisatrices, des spectatrices. On y apprend qu’aujourd’hui une Française sur deux avoue regarder des films X. On y découvre que le plaisir féminin prend une place grandissante dans le monde du hard. On y constate que les actrices ne sont plus des victimes, mais des femmes fières de leur boulot. Grand bien nous fasse, mais malgré toutes ces encourageantes statistiques, le constat reste le même : le cinéma porno n’en finit pas de tourner le dos à l’inventivité artistique. Comme si l’imagination, la création, l’audace s’arrêtaient au seuil du slip. C’est toujours la même photo glacée et viandeuse, les mêmes gémissements insincères, les mêmes canapés en skaï mauve, les mêmes villas tropéziennes, les mêmes bimbos botoxées, les mêmes étalons huileux aux proportions effarantes. On enrobe aujourd’hui cette imagerie d’un sabir féministoïde mais cela ne change rien à l’affaire : le X semble à jamais mort-né. Oshima, Bellochio, Lars Von Trier et quelques autres ont essayé d’introduire le corps brut dans l’image cinématographique. N’étaient ces francs-tireurs, le X campe à la boucherie. Et pour longtemps.