lundi 29 mars 2010

Hilarant "Ô Carmen" (Figaro, 29/04/2010)


Certains spectacles sont à ce point gouleyants, à ce point roboratifs qu'on en sort le cœur en fête, avec l'envie d'alpaguer les badauds en trompetant:«Il faut voir ça!» Tel est l'effet produit par Ô Carmen.
Sous-titré Opéra clownesque, ce délirant one-man-show décrit en une heure vingt le montage d'une production de Carmen. Du casting des doublures jusqu'à la première, en passant par les répétitions, les engueulades, les grèves, les bavures, les coups de blues, le doute, la complaisance, les humiliations, c'est une véritable radiographie du monde lyrique que nous offre ce spectacle virtuose, bâti avec une efficacité implacable.
Écrit par Anne Reulet-Simon et mis en scène par Nicolas Vial, Ô Carmen repose avant tout sur l'extravagante performance du comédien-chanteur Olivier Martin-Salvan. Un comédien ? Bien plus : un mime, un clown, un transformiste, une sorte de Fregoli vocal, capable de jouer (et de chanter) tous les rôles de Carmen, du soprano léger de Micaëla aux basses pompeuses du toréador. Il est fascinant de voir cet homme seul en scène, accompagné d'un piano (excellent Aurélien Richard), évoquer tant d'images, avec un mélange de burlesque et de justesse. Car pour qui a déjà suivi les répétitions d'un spectacle lyrique, tout est là. Il y a même une étrange tendresse, voire une amertume, dans le tableau de ces chanteurs qui rentrent chez eux le soir, après les répétitions, pour se retrouver face à leur routine, leurs fantômes, leur indécrottable solitude. Martin-Salvan (qui a fait ses classes chez Novarina) sait casser le rire en une grimace. Tout un monde jaillit de sa face lunaire, sans âge, à la voix flûtée. Certains moments sont des merveilles de nonsense (la soprano obèse qui mange son carlin puis chante en aboyant), mais l'émotion toujours affleure. À l'heure où les coquelets de la variet' kidnappent le patrimoine lyrique pour d'indigestes brouets, voici un spectacle authentiquement grand public, qui fait aimer, chanter et rire l'opéra. Jouissif.
Théâtre du Rond-Point, jusqu'au 3 avril, Loc : 01 44 95 98 21, puis tournée en France jusqu'au 9 juillet.

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