lundi 14 décembre 2009

Fortunio à l'Opéra Comique (Figaro, 14/12/2009; version longue du papier...)



Le respect d’une œuvre peut s’avérer dangereux. Vouloir la pousser vers le haut, coûte que coûte, est une belle intention qui risque pourtant de dénaturer son propos. Tel est le sentiment que l’on peut avoir au sortir du beau et froid Fortunio proposé par Denis Podalydès à l’Opéra Comique.
Disons-le d’emblée : ce spectacle est une merveille pour les yeux. Les costumes discrets et raffinés de Christian Lacroix sont d’une suprême élégance ; quant au décor d’Eric Ruf, il est ravissant de délicatesse et d’équilibre. La mise en scène de Podalydès est toute aussi délicate, mais son parti-pris de sérieux est d’abord déroutant, puis lénifiant. Les personnages sont à ce point guindés et corsetés que la Comédie Lyrique de Messager tourne au drame provincial. La légèreté du texte de Flers et Caillavet, inspirée de Musset, semble figée dans une optique délibérément sombre, qui cherche à élever le propos de l’œuvre vers des cieux où elle n’a rien à faire. C’est pourquoi le grand absent de ce spectacle - pourtant capital - est l’humour. Certes, Fortunio n’est pas Véronique, encore moins Les p’tites Michu. Mais il y a un monde entre la légèreté douce-amère de l’œuvre et ce refus appliqué de toute fantaisie. La faute n’en incombe-t-elle toutefois pas également au chef ? A la tête d’un orchestre de Paris sans doute trop luxueux, Louis Langrée exalte les beautés (constantes !) de la partition de Messager, en oubliant que nous sommes au théâtre. La moitié des chanteurs est généralement couverte par l’orchestre ; les autres doivent forcer le ton, ce qui n’aide pas à l’intelligibilité d’un texte à la difficile prosodie, car nous sommes moins à l’opéra que devant une conversation en musique. Las, sans l’aide des surtitres, on ne comprendrait guère le joli mais pâle Fortunio de Joseph Kaiser. Ne jetons pas la pierre au seul étranger d’une distribution intégralement francophone, car le style propre à cette œuvre leur semble souvent étranger. Reste la musique, admirable. Mais ça ne suffit pas…

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