jeudi 10 septembre 2009

Simon Boccanegra à Genève (Figaro 11/09/2009)


Opéra de la période médiane de Giuseppe Verdi (1857), Simon Boccanegra a fait l’objet d’une relecture en profondeur vingt quatre ans plus tard. Le compositeur tenait tant à cette pièce qu’il demanda à son dernier librettiste, Arrigo Boito, d’en améliorer le livret, tandis qu’il en révisait la partition. Remonté en 1881, Boccanegra reste donc une des œuvres les plus intimes de son auteur. Tragédie politico-familiale à l’intrigue globalement incompréhensible (sur fond de conflit Guelfe-Gibelin, un ancien corsaire devient Doge de Vienne et se découvre une fille naturelle), elle est un œuvre atypique dans le parcours verdien, car le musicien y tourne souvent le dos à ce qui fait son charme et sa popularité. Ici, peu de mélodies enjôleuses et nul air de bravoure. Celui qui a su si bien chanter le cœur féminin a même composé un opéra d’hommes, où dominent les « clefs de fa » : pour un ténor, on a deux barytons et deux basses. Bref, une œuvre austère et qui demande plusieurs écoutes pour révéler ses trésors.
Cette austérité, le metteur en scène José Luis Gomez l’a bien comprise, quitte à parfois s’y noyer. Epaulée des décors minéraux de Carl Fillion et des sombres costumes d’Alejandro Andujar, sa vision refuse ouvertement les émotions et les débordements latins.
Paradoxalement, ce parti-pris fait la part belle aux chanteurs, qui n’ont pas à s’embarrasser de gestes superflus. Et c’est tant mieux, car la distribution réunie par le nouveau directeur Tobias Richter, pour son premier spectacle à la tête du grand Théâtre, est de superbe tenue. Si le ténor sicilien Roberto De Biasio semble peiner dans le difficile rôle de Gabriele Adorno (émission et justesse souvent hasardeuses), les « clefs de fa » sont une merveille. Citons avant tout le superbe Fiesco de Giacomo Prestia et le magnifique Paolo de Franco Pomponi. Quant à Roberto Frontali, il confère à Boccanegra une noblesse blessée souvent bouleversante. La distribution est toutefois dominée par la soprano bulgare Krassimira Stoyanova. Son Amélia tendre, sensible et enflammée rappelle combien ce rôle est parmi les plus émouvants de Verdi. Enfin, le chef turinois Evelino Pido illumine de sa fougue coutumière les sombres tourments de cette tragédie génoise.

Grand Théâtre de Genève, jusqu’au 24 septembre.
Res : +44 22 418 31 30

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