vendredi 25 septembre 2009

La (belle) résurrection de l'Opéra de Versailles (Figaro, 23/09/2009)


Niché dans les arabesques du château avec une discrétion d’homme de cour, l’Opéra Royal de Versailles est de ces merveilles secrètes dont recèle notre patrimoine. Inauguré en 1770 et tout juste rénové, cet exquis écrin de bois a vécu lundi dernier une résurrection en nobles pompes.
Banc et arrière banc se sont même entassés dans ce théâtre aux tons or et amande, où rôde çà et là l’ombre décollée de Marie-Antoinette.
A l’invitation de Jean-Jacques Aillagon, l’assistance de gala était des plus choisies : François Fillon, Frédéric Mitterrand, Bernadette Chirac, Carole Bouquet, Marisa Bruni-Tedeschi… la liste est aussi longues que les cravates étaient noires (c’est quand elle singe l’ancien régime que la République sait recevoir).
Sur scène, entre deux représentations de Mireille, l’incontournable Marc Minkowski retrouvait ici ses « Musiciens du Louvre » pour rendre hommage aux gloires musicales du XVIIIe siècle versaillais. Le programme était un vaste clin d’œil à « l’Autrichienne ». Surnommée « la reine de France », la symphonie n° 85 de Haydn a trouvé sous la baguette de Minko une vision ludique et roborative, magnifiée par l’acoustique redoutablement parfaite de cette salle. Redoutable en ce qu’elle ne laisse rien passer, jusqu’aux plus infimes nuances… ce qui est une corde raide pour les chanteurs ! Dans les douces plaintes d’Iphigénie en Tauride de Gluck, la voix de Mireille Delunsch dansait péniblement sur des œufs ; plus à l’aise dans les fureurs que l’élégie, la soprano s’est rattrapée avec l’air d’Elettra d’Idoménée de Mozart. Côté mâle, le ténor Richard Croft a donné un élégant mais assez plat « J’ai perdu mon Eurydice » d’Orphée de Gluck. Il était certes difficile de rivaliser avec l’autorité, la tenue vocale et la merveilleuse intelligence musicale du baryton Bryn Terfel. En trois airs (dont l’air du catalogue de Don Giovanni et un extrait des Noces), Mozart était dans la salle. Toutefois Le vrai roi de la piste restait Minkowski lui-même. Dirigeant l’improbable ballet de Gluck Don Juan ou le festin de Pierre –lequel culmine par une danse des furies réutilisée dans Orphée- le chef en commentait au public l’argument, l’œil piquant et matois.
Enfin, la soirée s’est achevée par un dîner dans la Galerie des glaces et un éclatant feu d’artifices sur les pièces d’eau.
L’Autrichienne eut biché.

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